Encore une autre journée au milieu de cet enfer. Dans les vestige de ce qui avait été leur bateau, Yohko broyait du noir. Quand elle remontait, elle ne voyait que les mêmes paysages, à longueur de temps. Et toujours les mêmes dangers, à chaque instant.
Sa survie primait sur tout, à présent. Mais elle ne faisait confiance à personne. La jeune femme était la seule à savoir travailler le métal, donc ils ne tenteraient rien contre elle. Pour autant, elle n'aurait pas risqué sa vie sur cette seule présomption.
Et Guidrion, son complice, n'était pas revenu avec Wolfram. Il avait été placardé une affiche prétendument écrite de sa main, annonçant que le chef du camp avait pillé des ruines remplies d'or. Qu'il l'avait abandonné aux sauvages. Que c'était lui qui avait volé la majorité de leurs ressources.
Yohko se dirigeait machinalement de sa couche à sa forge en refoulant ses pensées. Elle devait fabriquer des outils pour pouvoir survivre.
Un mot avait été caché dans ses outils.
Son camarade vaunesien n'était visiblement pas mort, ni capturé par ces barbares. Et ce qu'il énonçait dans cette missive perturbait Yohko au plus au point. Il voulait reprendre contact avec elle, peut être même la convaincre qu'il professait la vérité.
La demoiselle décida d'écouter ce qu'il avait à dire, pour avoir au moins la version de celui qui l'avait couverte. Il n'avait aucune raison de la trahir, aussi ne se sentait elle pas en danger par rapport à lui.
Elle déposa une demande de rendez-vous à l'endroit indiqué dans la première lettre, et exécuta les ordres qui lui furent répondus.
Deux jours plus tard, elle attendait près d'une petite cascade. Et elle entendit siffler.
Guidrion était là, derrière elle. Il avait bien bronzé, mais il était entier. Il la guida presque sans un mot dans un petit bosquet, à l'abri derrière une colline. Il lui expliqua sommairement ce qui s'était réellement passé, d'après lui, dans ces ruines.
Yohko accordait plus de crédit à son complice qu'au « chef » du campement, de part le passif de leur relation. Pour autant, elle mettait sa vie en jeu en restant auprès de lui. Wolfram serait certainement prêt à l'abattre, s'il l'apprenait.
L'homme la guida à travers les gorges pour l'emmener dans une grotte qu'il avait aménagée, grâce à ses compétences de menuisier. Et le résultat était impressionnant.
Yohko ne serait pas allée jusqu'à considérer l'endroit comme « confortable », mais il fallait bien admettre qu'il y avait tout ce dont on pouvait avoir besoin : source d'eau, lit, four... Elle ne put retenir un petit sifflement d'admiration en pénétrant les lieux.
Il termina son récit à l'abri, et lui demanda après quelques instants.
-Je peux compter sur toi? Il faut que tu fasses ton choix.
La jeune femme réfléchit quelques instants. Puis, elle eut un petit sourire entendu.
-Tu m'as surprise alors que j'étais partie chercher du bois, et tu m'as assommée. Puis tu m'as faite prisonnière, et tu m'as torturée pour avoir des informations, et avoir une monnaie d'échange avec eux.
-Tu penses vraiment que j'ai fait ca? Lui demanda l'homme, le regard sans expression.
-Si tu as mieux à proposer.. Tu pourras toujours le vendre à ma place.
Le sourire de Yohko avait fini de lui faire comprendre où elle voulait en venir. Il le lui rendit en retour.
Le lendemain, alors que la demoiselle s'accordait enfin un instant de repos, elle entendit des voix dans le reste de l'abri.
Le Père Owan les avait retrouvés. Et il semblait négocier avec Guidrion pour récupérer les ressources que celui-ci avait subtilisées.
Le vaunesien cacha la présence de son alliée, feignant la surprise quand le religieux précisa que le forgeron avait disparu. Il ne rendit que la moitié des ressources, qui étaient dissimulées dans la même pièce que Yohko, après l'avoir consultée brièvement. Puis, le père repartit.
Ils étaient incapables de savoir si oui ou non ils pouvaient lui faire confiance.
Passées quelques heures à explorer un peu plus les environs, les deux compagnons entreprirent d'explorer les profondeurs de la grotte dans laquelle ils s'étaient établis.
Celle-ci était tout simplement tentaculaire. Elle s'enfonçait littéralement dans les entrailles de la Terre, et débouchait sur une crevasse dont ils ne purent même pas voir le fond. Ils ne virent pourtant que peu de ressources exploitables, et rentrèrent après quelques heures dans leur abri.
Devant celui-ci, harassée par la fatigue, Yohko se sentit accablée par les derniers événements.
Depuis un mois, elle devait cacher son identité pour survivre. Son corps avait été poussé dans ses derniers retranchements. Et elle était réellement seule.
Son père était probablement mort pour lui permettre de fuir et se survivre à l'épidémie de peste. Et elle était venue crever ici. C'en était trop pour elle, et elle craqua. La jeune femme éclata littéralement en sanglots, cachant son visage avec ses deux mains.
Elle fut surprise de voir Guidrion la serrer dans ses bras pour la consoler, mais elle ne résista pas. Yohko trouva même un peu de réconfort dans cette preuve d' « amitié ».
-Je ne serai qu'un poids pour toi, avait-elle craché. Je te ferai tomber avec moi.
-T'en fais pas. Il y a toujours quelqu'un qui porte une partie de notre poids, lui avait dit l'homme en souriant.
La demoiselle releva le regard vers lui, surprise, et perturbée par le double sens de cette phrase. Elle chercha une explication dans son regard, mais n'en eut aucune, si ce n'est ce sourire.
Qui se déforma en rictus de douleur.
Un squelette mouvant avait surgit des profondeurs derrière elle, et Guidrion s'était jeté devant elle pour la protéger. Il reçut une flèche dans le dos, alors qu'elle se jetait sur la créature pour l'occire. Une fois ceci fait, Yohko s'agenouilla auprès du vaunesien, inconscient.
-Guidrion..? Réveilles-toi, bordel, t'as pas le droit de m'abandonner maintenant.. gémissait-elle en le frappant pour le faire revenir à lui.
Ce fut choses faite après quelques tentatives, mais elle fut incapable de lui expliquer clairement son état. Elle avait complétement perdu son sang froid. Elle paniquait à l'idée qu'il était gravement blessé, et qu'elle n'avait aucune compétence en premiers soins.
Ses pensées furent coupées par un rire grinçant.
Derrière elle se tenait un homme, l'épée au clair. Un sbire de Wolfram.
-Tiens donc, mais qui avons-nous là... avait-il demandé en souriant.
Ils avaient échangés quelques « amabilités », alors que Yohko s'était interposée, pour protéger Guidrion avec son épée de bois. Leur assaillant avait rit, et continuait de proférer des menaces à leur encontre.
Alors, le vaunesien se jeta sur lui avec le peu de forces qui lui restait, et son poids l'entraîna dans un gouffre qui s'étalait derrière ses pieds, tombant de quelques mètres.
La surprise passée, Yohko descendit les rejoindre, s'assura qu'ils étaient en vie, et désarma son ennemi. Elle les tira tant bien que mal tous les deux dans l'abri, pendant qu'ils étaient inconscients, et entrava les mains du bandit avec de la ficelle.
Elle pensait avoir perdu définitivement son seul espoir de survie. Il était là, gémissant sur son lit, une flèche plantée dans le dos. Et on frappa à la porte.
Le prêtre était revenu. Et il tombait à point nommé.
Owan retira le trait, et cautérisa la plaie comme il le put, à l'aide d'une torche. Pendant ce temps, Yohko commença à interroger leur « invité », n'hésitant pas une seconde à le molester. Il avait attenté à la vie de Guidrion et à la sienne. Seules la haine et la rage avaient encore la place dans son esprit.
Le prêtre protesta vivement contre ce traitement, mais ils furent tous coupés par le réveil de Guidrion. Celui-ci demanda, après quelques minutes de flou, à sa compagne d'arrêter son jeu avec leur invité, ce qu'elle fit. Elle sortit en furie, pour s'isoler dans la nuit, devant leur cache, pour évacuer sa colère.
Le grand blessé la rejoignit plus tard, et elle passa ses nerfs sur lui, ne pouvant plus garder ce tourbillons de sentiments en elle. Yohko avait perçu que son changement perturbait grandement Guidrion, et elle comptait sur cela pour s'assurer de sa loyauté. Mais le jeu lui échappait.
Elle ne pouvait nier qu'elle s'était attachée à lui. Peut être parce qu'elle pouvait être honnête avec cet homme, et qu'il la prenait comme telle. L'idée simple de se retrouver sans cette présence rassurante en des terres aussi hostiles l'insupportait.
Après qu'il l'eût calmée, ils rentrèrent, et consultèrent le prêtre. Yohko devait apprendre la procédure à suivre pour changer ses bandages, puis ils le congédièrent. Quand à leur autre invité, il refusait toujours de parler, et s'enfermait dans l'insolence. Guidrion décida alors de l'enfermer dans une pièce vide, noire, pour le torturer psychologiquement.
Et s'il ne donnait pas d'infos... il restait un otage.
Cliquez pour agrandir...